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Alain Trouilly

Invité d'honneur du festival 2021

Alain Trouilly, invité d'honneur du festival 2020Alain Trouilly est né en Lorraine en 1952. Il habite Rueil-Malmaison et pratique la photographie depuis ses 20 ans. Longtemps, ses sujets étaient dans la rue et les images innocentes attrapés au hasard des vagabondages se posaient sur le papier, en noir et blanc, dans un labo argentique.

Aujourd’hui, son travail d’auteur s’intéresse aux événements de la vie et aux faits de société. Dans une photographie plus personnelle, plus intentionnelle, il exprime ses émotions, ses questionnements, son trouble, sa révolte.

Sa série “Migrant” a été récompensée en 2018 par le Grand Prix d’Auteur de la Fédération Photographique de France. Elle a été exposée à Nantes par l’ONG La Cimade. Il est membre de l’Union des Photographes Amateurs du Chesnay (UPAC). Ses images sont accessibles sur son site.

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Le site de l’auteur :

Site d'Alain Trouilly, invité d'honneur du festival 2020

Migrant, à Paul…

J’ai posé dans ma bibliothèque un vieil appareil russe, cadeau de mon père à l’occasion du baccalauréat. C’est cet appareil qui m’a amené à la photographie. Tout près, se trouve un livre. Mon père lui avait donné un titre, et assez curieusement un sous-titre : “ les migrants en transit ”. Dans ce livre, il relate l’exode des Lorrains en 1939 à travers le regard d’un enfant de onze ans. Son regard.

De son errance, fuyant la frontière allemande pour chercher refuge dans la France de l’intérieur, un épisode est demeuré gravé dans ma mémoire. Devenu pauvre et manquant de tout, il était parti mendier du lait dans les fermes pour son petit frère qui venait de naître. Et dans cette France profonde, il y avait des champs, des paysans et des vaches. Mais il n’y avait pas de lait. Pas de lait pour les étrangers, pour ces Français venus d’ailleurs et qu’on appelait “les réfugiés”.

Après bien des déceptions, un grand noir apparut dans l’entrebâillement d’une porte. C’était un paria, comme lui, et il partageait son lait. Mon père est le premier migrant que j’ai connu. Je n’y avais jamais réfléchi, jusqu’à maintenant, jusqu’à cette série de photographies.

L’autre, le migrant d’aujourd’hui, est un anonyme qui peuple mon quotidien. Je prends de ses nouvelles au petit déjeuner. A la radio, une voix monocorde annonce les naufrages (encore un ce matin), les morts (encore quatre-vingts ce matin) et les disparus (encore deux-cents ce matin). Le ton change, parfois. J’apprends alors qu’on a ouvert ou fermé un camp, qu’on fixe des quotas, qu’on ne peut pas accueillir toute la misère du monde… Ma tasse à café est vide, j’éteins la radio. C’est fini, jusqu’aux infos du soir.

Migrant d’hier et d’aujourd’hui, Migrant d’ici et de là-bas, Migrant a mille visages. J’ai choisi de lui donner celui d’un petit bateau qui frappe à notre porte. Il nous montre un autre visage, un visage que ne voulons pas voir : celui de l’indifférence, de la méfiance, de l’égoïsme, du cynisme. Le mien. Le vôtre.

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