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Juliette Agnel, lauréate du prix Niépce 2023

Par Frédérique Chapuis  juin 2023

     Juliette Agnel est la lauréate du 68ᵉ prestigieux prix Niépce.

     Créé en 1955 par l’association Gens d’images et soutenu par le ministère de la Culture, il récompense l’œuvre d’un(e) photographe français(e) de moins de 50 ans – son âge cette année.

     Cette distinction, confie l’artiste, « est une reconnaissance officielle du travail effectué dans la première partie de ma vie. Cela veut dire que je vais continuer. Il faut tenir bon.» Soulignant ainsi la difficulté de vivre, aujourd’hui, du métier de photographe.

     Juliette Agnel a surgi dans le paysage photographique il y a quelques années avec de stupéfiantes images : existent-elles vraiment ces voûtes célestes bleu nuit, piquées d’étoiles, enveloppant le site des pyramides de Taharqa, au Soudan (Taharqa et la nuit, 2019) ?

      Et, ces imposantes images de failles dans la muraille de glace du Groenland, invitant le regardeur à se glisser dans un autre monde (Les Portes de glaces, 2018) ?

     Même voyage au cœur des éléments lorsqu’elle s’introduit dans la grotte de Pulpí, une ancienne mine de plomb de la province d’Almeria, en Espagne (Géode de Pulpí, 2022).

      Là, son appareil capte à l’intérieur de la terre la clarté des cristaux transparents du gypse, noyée dans une obscurité tellurique révélant d’énigmatiques visions, pourtant bien réelles.

     La reproduction réaliste d’éléments naturels n’est pas son sujet.

     En quête du point de bascule entre réalité et rêve, Juliette Agnel expérimente la photographie en s’attachant à porter l’attention sur l’invisibilité.

     « Ressentir sans rien voir, dit-elle. La question de l’invisible et du sentiment éprouvé face à l’univers est ce à quoi je m’attache. La grotte, de mon point de vue, pour tout ce qu’elle symbolise, en est le point d’orgue. » 

     Juliette Agnel, représentée par la galerie parisienne Clémentine de la Féronnière, est exposée au festival de la photographie d’Arles cet été, et une monographie, aux éditions Maison CF, est à paraître en juillet.

      « Taharqa et la nuit » (2019), photographie de Juliette Agnel réalisée au Soudan.

 

Aux Rencontres d’Arles 2023, Juliette Agnel présente la série :

 La main de l’enfant, aux cryptoportiques souterrains

    «Elle explore des paysages extrêmes, dont la beauté troublante suscite l’émerveillement et le sentiment de sublime. Ce projet a été réalisé dans les grottes préhistoriques d’Arcy-sur-Cure, qui furent habitées depuis le Paléolithique et hébergent des peintures pariétales datant d’il y a environ 28 000 ans.
Les Grottes d’Arcy sont des espaces vivants, en constante évolution, que ce soit sous l’effet de forces naturelles comme les cristallisations d’eau calcaire qui sculptent les sols et plafonds, ou par l’action humaine qui a laissée des traces de son passage, jusqu’à en modeler certaines cavités. Ce milieu anthropisé recèle un bestiaire et une série de mains négatives datant de la Préhistoire ainsi que des graffitis plus récents, du XVIe siècle à nos jours.
     Les notions d’apparition et de changement imprègnent également les images La Main de l’enfant de Juliette Agnel. Si la photographie est souvent considérée comme un art de l’écriture par la lumière, l’obscurité des cavernes y résiste. Or, dans ce travail, chaque image est unique, issue d’un instant de lumière qui interprète et immobilise les concrétions calcaires. L’artiste cherche à révéler les apparitions de ces formes en métamorphose, à témoigner de ce monde sous-terrain, traversé par des énergies telluriques, qui préserve l’énigme des origines de la vie sur Terre.
     Dès les premiers temps, l’humanité a éprouvé le besoin de se figurer le monde qui l’entourait. Nous ne connaîtrons jamais l’exacte signification de ces dessins, mais nous partageons avec leurs autrices et auteurs ce désir de faire image, de la fixer dans l’espace et le temps. La Main de l’enfant, impression en négatif d’une main de petite taille pourrait être considérée comme l’un des premiers autoportraits existants. Cette trace nous interpelle depuis le passé, et nous évoque, par son caractère indiciel, les origines de la photographie. 
     Lieu de sépulture, de loisir, de méditation ou réserve écologique, la grotte devient un espace où les temps cohabitent et dialoguent.

     «Un emboîtement de présents, de passés et de futurs qui tiennent toujours leurs propres profondeurs d’autres présents, passées et futurs, chaque époque portant, altérant et maintenant toutes les précédentes »

Marta Ponsa – commissaire

     A Arles, les images sont exposées dans un écrin à leur mesure : les cryptoportiques, ces vastes galeries voûtées datant de l’empire romain et situées sous la place centrale sont un trésor caché en plein cœur de la ville, plein d’ombres et de récits anciens.

     Heureusement, Juliette Agnel peut enfin exprimer la singularité et les richesses de sa démarche et de sa sensibilité.

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